Mon camarade Yves J., flâneur et demi, m’a soumis sa réflexion sur cette oeuvre nouvelle à Poitiers, rue du Faubourg du Pont neuf :
Mi camarada Yves J., paseante y medio, me propuso su reflexión sobre esta nueva obra en Poitiers en la « calle del suburbio del puente nuevo »:
« mañana la melaza se transformará en Cognac »
« El sofá está en medio del salón »
« hay que tener pipas para seleccionar las lentejas »
« Las girafas no llevan cuellos desmontables »
« La vaca salta por encima de la luna »
« El ácido pone rojo al girasol »
Il s’agit bien sûr de phrases extraites des messages qui passaient en français sur la radio anglaise, la BBC, pendant l’Occupation et qui étaient des messages codés destinés aux resistantEs de l’ombre.
Se trata de unas frases sacadas de los mensajes que emitían en francés la radio inglesa BBC durante la occupación nazi de Francia y que eran mensajes codificados dirigidos a l@s resistentes de la sombra.
Je cite mon camarade :
Cito a mi camarada:
« La reproduction (coûteuse) des messages de la Résistance sur les murs aveugles du quartier du Pont-Neuf à Poitiers me pousse à deux réflexions :
La reproducción (costosa) de los mensajes de la « Resistencia » en las paredes sin ventanas del barrio del Puente Nuevo en Poitiers me surgiere dos reflexiones:
– la signification de cette réalisation a ce côté bien consensuel qui permet de « faire politique » sans en faire, belle illustration de ce qu’est devenu l’engagement dans l’art c’est-à-dire l’art engagé qui n’engage personne et surtout qui n’engage à rien.
– el significado de esta realización lleva este aspecto muy consensual que permite « hacer política » sin hacerlo, bonita ilustración de lo que ha llegado a ser el compromiso en el arte « engagé » (comprometido) que no compromete a nadie y que sobre todo no compromete a nada
– le côté esthétique bien propre de cette affichage renvoie les tagueurs et autres artistes des murs à leur travail obscur et salissant dans une ville dont l’objectif devient la propreté des places, des murs et des habitants. »
– el aspecto estético muy limpito de estos carteles rechaza a los que hacen pintadas y demás artistas de las paredes a una definición de su trabajo como oscuro y que ensucia, en una ciudad cuya meta viene a ser ahora la limpieza de las plazas, de las paredes y de los habitantes. »
Pour ma part, quand j’ai vu cette oeuvre, ne sachant pas décocher de flèches si vives et droites que mon lucide camarade, j’ai vu trois choses :
Por mi parte, cuando vi esta obra, yo que no sé disparar flechas tan vivas y rectas como las de mi lúcido camarada, vi tres cosas:
D’abord Primero
una occasión gozosamente infantil de distraerme otra vez con el arte contemporáneo (o no):
une occasion de m’amuser encore une fois d’un plaisir entantin avec l’art contemporain (ou pas) :
– « Demain le Cognac deviendra de la mélasse » (phrase très… comment dire ? … contemproraine)
– « mañana el Cognac se transformará en melaza » (frase muy… ¿cómo diría yo…contemporánea)
– « il faut avoir des lentilles pour trier les pipes » (rêveries sexuelles)
– « Hay que tener lentejas para seleccionar pipas » (sueño sexual si os explico que « lentilles » se traduce por « lentejas » pero también por « lentes » y que « pipes » significa « pipa » pero también lo que poéticamente los hispanohablantes llamáis « francés » en la expresión « hacer un francés »)
– « les éléphants sont des faux-culs » (phrase définitive depuis ce 31 juillet 1914)
– « Los elefantes son traidores mentirosos » (la palabra « elefante » se refiere a los caudillos socialistas y la fecha del 31 de julio de 1914 se refiere a la muerte de Jaurès)
Je t’invite à continuer le jeu, camarade lecteur ou lectrice, avec la possiblité de laisser un « commentaire » en fin d’article.
Te invito, camarada lector(a) a seguir el juego con la posibilidad de dejar un « commentaire » (comentario) al final del artículo.
Alors ? Hein ? Tu trouves ?
Bueno. ¿Qué? ¿Encuentras algo?
Ensuite Después
J’ai trouvé que c’était écrit comme à l’ordinateur, que ça faisait pas peinture murale, que ça faisait – comme le dit mon camarade flâneur et demi – trop propre, pas très humain. je préfère c’est vrai une autre inventivité dans la ville
Me pareció que estaba escrito como con el ordenador, que no se parecía a un mural o a una pintada, que parecía – como lo dice mi camarada paseante y medio – demasiado limpito, poco humano. Prefiero, es cierto, otra inventividad en la ciudad.
Et puis je ressens une gêne, celle éprouvée dans les manifs où l’on croise les blablateurs et blablateuses : ils et elles blablatent
Y también experimento una molestia, la que experimento en las manifestaciones donde nos topamos con « blablatores y blablatoras » : dicen « blablabla ». Blablatean.
Pour ces gens-là nous ne sommes qu’un paysage, une image, des chiffres, des anonymes, une multitude, une masse, dans leurs récits peuplés seulement de princes, de courtisans et loin, très loin, de la foule des manants.
Para esa gentuza no somos más que un paisaje, una imagen, unas cifras, unos anónimos, una multitud, una masa en sus relatos poblados únicamente de príncipes azules y cortesanos y lejos, muy lejos, de la muchedumbre de la gente de a pie.
Pareil. Ici c’est la ville entière le décor en image, lointain, où l’on peut écrire en surimpression d’image
Lo mismo. Aquí es la ciudad entera el decorado en imagen, lejano, donde se puede escribir como en surimpresión.
« Les moutons n’atteindront jamais la lune »
« Los borregos nunca llegarán a la luna »
Pour finir Para concluir
Il me reste à citer ce poème écrit pendant la guerre qui m’émeut et qui m’exalte à chaque fois : « Ici Londres Parla Londra London calling ». je vous invite à le chuchoter à voix haute dans l’obscurité du soir, à l’abri dans l’intimité protectrice de votre foyer.
no puedo dejar de citar aquel poema escrito durante la guerra qu eme emociona y me exalta cada vez que lo leo. Como decía la radio inglesa en aquella época « Ici Londres Parla Londra London calling ». La traducción se encuentra en algunas antologías bajo el título « Oda a Londres bombardeado ». Os recomiendo la lectura de este poeta singular, fundador con André Breton del surrealismo pero que muy temprano siguió su propia onda, y es muy asequible de leer.
Ode à Londres
Cette nuit Londres est bombardée pour la centième fois
nuit noire nuit d’assassinat et de colère
l’ombre se gonfle de l’angoisse à venir
Déjà les premiers coups dans le lointain
et déjà les premières flammes les premiers signaux
Tout semble prêt pour le trouble le tremblement la peur
Tous soudain silencieux guettent les bruits devenus familiers
On attend la grande fête de la mort aveugle
Une lueur proche haute fervente
aurore d’un nouveau monde enfanté par la nuit
Nous étions bâillonnés avec de la boue et des immondices
Nous pouvions encore entendre et attendre
Nous savions nous le devinions
Cette nuit Londres est bombardée pour la centième fois
Une voix s’élevait c’était le cri espéré
Ici Londres Parla Londra London calling
Nous nous taisions comme lorsqu’on écoute battre un cœur
Tout à coup le silence et l’angoisse du silence
le temps perdu une seconde une heure
On interroge en vain la nuit l’ombre la distance
Il ne faut pas croire ce que crient les autres
Londres cette nuit est bombardée pour la centième fois
Un incendie muet des hommes morts
Ceux mêmes qui criaient ceux que nous attendions
Rien que l’image des pylônes brisés des fils coupés
Rien que ce trou dans l’espace et le temps
Ici Londres Parla Londra London calling
Et voici la Ville qui reprend sa place à l’horizon
Elle est seule au centre du monde
Elle est celle qui domine le tumulte
éclairée par les incendies et la plus haute flamme du courage
Londres Londres Londres toujours Londres
Cette nuit Londres est bombardée pour la centième
L’attaque et la réponse un défi au-dessus de la terre
la voix qui crie dans l’infini
Celle de Londres comme d’une amie à votre chevet
Elle dit qu’il ne faut pas désespérer
qu’elle s’élève à l’heure du danger et de la honte
Elle parle de la vie aux moribonds et de la foi à ceux qui doutent
Nous écoutons en fermant les yeux nous savons
Cette nuit Londres est bombardée pour la centième fois
Courage c’est la centième fois nuit de courage
la capitale de l’espérance appelle et nous rappelle
la capitale est la même que jadis
celle qui méprise l’indifférence et la lâcheté et la bassesse
Nous suivons maintenant ses bons vieux fantômes
Thomas Dekker se glissant de taverne en taverne
et Thomas de Quincey buvant l’opium poison doux et triste
à sa pauvre Anne allant rêvant
Cette nuit Londres est bombardée pour la centième fois
Fantômes et ma jeunesse près des docks
ô Londres qui demeure comme les astres impassible
Bravant l’incendie et le vent ivre de feu
quand les deux tiers de tes maisons brûlèrent
lorsque la peste rampait de porte en porte
et que mourraient des hommes par milliers
mille puis mille puis mille de nouveau
les femmes et les enfants d’abord
Fantômes de Londres et ma jeunesse vous apparaissez
Cette nuit où Londres est bombardée pour la centième fois
Je sors de ma paralysie nocturne
Je me glisse comme un souvenir comme un papillon
vers les rues familières où me guident les reflets du fleuve
jusqu’à ce monument qui n’a pas d’autre noms
sur cette petite place morose près de l’éléphant
où sourit un jeune homme que je reconnais
et qui est le même après tout puisque je vis encore
Cette nuit où Londres est bombardée pour la centième fois
Aujourd’hui après tant d’années espérées et perdues
condamné au silence esclave des esclaves
j’écoute cette voix venue des profondeurs du courage
qui dit et redit écho des échos
Rira bien qui rira le dernier
comme chaque soir avant la musique de danse
alors que mugissent les sirènes
j’entends nous entendons et le monde avec nous
l’appel le même appel et de la même voix
celle qui compte que chacun fera son devoir
quand Londres est bombardée pour la centième fois
Chacun fait son devois tous sans exception
chaque homme et chaque femme chaque enfant
Ceux qui se précipitent à la rencontre du feu
Celles qui courent à la recherche du sang
Ceux qui volent vers la mort
Celles qui pleurent et qui sourient
Ceux qui tendent les mains et qui espèrent
Tous ceux qui meurent sans se plaindre
Alors que Londres est bombardée pour la centième fois
Au bout du monde et de la nuit
Ceux qui n’ont pas peur de mourir
saluent ceux qui bravent le destin
ceux qui sont plus fort que la haine
et qui parlent pour les morts et pour les vivants
tous ceux que le désespoir de son aile atteignit
écoutent la voix qui persévère
celle du soir du matin de minuit
quand Londres est bombardée pour la centième fois
Amis sans visage mains tendues
au-dessus de cette distance sans mesure
Vous parlez et nous écoutons
Vous vivez et nous allons mourir
Car nous savons désormais que l’on peut mourir de honte
Ici Londres Parla Londra London calling
Nous écoutons nous les naufragés
nous que rongent les doutes et l’inquiétude
tapis dans l’ombre siliencieux jusqu’à la rage
Vous qui parlez vous qui criez
dans le vent et la fumée dans le sang
vous qui appelez à notre secours pour notre libération
vous qui combattez pour que nous combattions
Ici Londres Parla Londra London calling
Contre nous de la tyrannie l’étendard sanglant est levé
Entendez-vous
Nous respirons nous écoutons nous entendons
Londres est bombardée pour la centième fois
Londres est bombardée pour la centième fois
Rien n’est perdu vous veillez
Quand le grand Ben et ses cloches
affirment qu’il est minuit exactement
que c’est l’heure du nouveau courage
Melbourne écoute et Ottawa
Le Cap Calcutta Auckland
toutes les villes du mondes
tous les villages de France
Et Paris
Philippe Soupault (1897-1990)
¿Y?