Un flâneur à Poitiers

– T’as vu, t’as vu ! Hein ? T’as vu ! Je photographie comme Raymond Depardon !

– ouais… Ça fait vaguement penser à « la France de Raymond Depardon » mais son cadrage à lui est bien mieux, les couleurs et la lumière aussi…

– D’accord mais lui il a un super matos, cadre carré, argentique, temps de pose très long, une camionette pour parcourir le pays et du temps devant lui. Alors que moi je fais ça à temps perdu et je n’ai qu’un appareil très bas de gamme ! (snif !)

– Enfin, je te rappelle que lui il se met de face en général, lui. II fait face au moins, lui. Et s’il a du bon matos c’est qu’il se l’ai gagné par son investissement personnel et pas seulement financier, lui, hein !

_ Oh, ça va bien oui ! Ça suffit de toujours dénigrer. C’est facile ! J’ai le droit de trouver ça beau. J’ai le droit d’être ému par ma photo, là :

– Ouais, ouais. T’as le droit d’être ému par ta nostalgie à deux balles. Regarde ta photo suivante. Si c’est pas de la nostalgie à deux balles ça…

– Gros naze ! Depardon il fait ce qu’il veut et moi aussi. Au moins, moi je fais, je ne me contente pas de faire des critiques faciles. Tes critiques, elles elles sont à deux balles.  Et les trois photos suivantes, c’est de la nostalgie peut-être ?

– …. !?

– Ah-ah ! Tu te tais ! Hein ? Bon, sur la suivante, j’avoue qu’il y a en plus la nostalgie des photos parisiennes d’Eugène Atget au petit matin

– Ah, tu vois bien ! C’est pas nostalgique mais « il y a en plus la nostalgie », comme tu viens de le dire. Tu viens de te démasquer ! La nostalgie, ce plaisir facile de pleurer des souvenirs inventés ! Enfin, tu fais ce que tu veux après tout.

T’as autre chose à me montrer ?

–  C’est rue du Faubourg du Pont Neuf

– Mouais. Après tout ça peut pas faire de mal.